Par tounik - 14-07-2010 14:49:51 - 19 commentaires
Bifurcation du 56 et du 120. Me voilà de retour 1 an en arrière avec les mêmes doutes, cette même impression que le Mont Joly est un mur infranchissable. Pourtant je suis arrivé bien préparé, excepté une douleur au genou qui a légèrement perturbé ma préparation les trois dernières semaines mais qui ne me dérange pas depuis le début de la course. Tout se passe plutôt bien depuis ce matin, le même bonheur d'être là, après une nuit un peu courte mais fraiche grâce à la pluie de fin de journée, les photos avec les kikous sur la ligne de départ et les premiers km dans la nuit sur un rythme volontairement cool. Un seul objectif, arrivé au Mont Joly frais, la course commence après.
Prendre du plaisir, garder de l'énergie, ne pas s'occuper des autres, de ceux qui utilisent les bâtons alors qu'ils sont interdit sur les premiers km. A un concurrent qui me rappelle qu'il va faire chaud et qu'il ne faut pas oublier de s'hydrater, je glisse juste qu'il ne faut pas oublier que les bâtons sont interdits, « tu as raison sur le fond » me dit-il en poussant sur ses bâtons. Sans importance, j'aime ces départs de nuit, ambiance feutrée et regard concentré sur le halo lumineux de la frontale, en attendant le jour pour pouvoir profiter des paysages magnifiques que nous offre ce parcours.
Le Prarion, le pointage de Bionnassay réalisé par mon Cœur qui a tenu à être bénévole malgré ses 6 mois de grossesse avant de me suivre sur la course, le col du Tricot, Miage, la combe d'Armencette, du bonheur plein les yeux, l'émerveillement à chaque virage et les virages sont nombreux, notamment dans la montée du Prarion. Comme d'habitude, je retrouve régulièrement le sourire de Céline qui suit son Rapace. Bien sûr au col du Tricot la chaleur commence à être présente mais je suis avec Manu (le Rapace) et Olivier (Oufti), on plaint simplement ceux qui passeront en début d'après-midi. Manu et Olivier sont en mode rando sur le 56 et je fais très attention de ne pas calquer mon rythme sur le leur, je laisse filer dans les montées, mon seul objectif pour l'instant étant d'arrivé frais au pied du Mont-Joly.
Il fait maintenant très chaud, je profite de la fontaine de la Frasse pour bien me rafraichir avant de m'engager dans la combe d'Armencette. Je monte à mon rythme avec simplement un coureur en point de mire, les effets de la chaleur commencent à se faire sentir et les organismes de certains atteignent leur limite, je reprends plusieurs concurrents assis sur un rocher cherchant le second souffle. J'arrive sur la partie en balcon et garde le mode marche, il vaut mieux s'économiser pendant les grosses chaleurs que je supporte très mal.
Le Bagnard est aux Contamines. La seule vue de son costume rayé est déjà un immense plaisir, sa joie est contagieuse et permet de passer un bon moment avant d'attaquer le mont Joly. Il a quelques bières dans sa glacière mais je refuse de me laisser pervertir, d'autres auront moins de scrupule. Il est temps d'affronter le juge de paix. L'approche le long du torrent laisse encore un peu de répit, puis c'est le pointage pour le classement de l'ascension la plus rapide qui, je le sais, ne me concerne pas. Manu et Olivier qui ont terminé leur bière avant de me rejoindre, partent devant.
Je déteste cette montée. La première partie, dans les bois, sur une large piste carrossable, n'a aucun intérêt . C'est une succession de murs, sans aucun répit, il faut pousser sur les cuisses, sur les bras, avancer sans pouvoir accrocher du regard un paysage, une coquetterie du terrain ou une simple fleur pour oublier, l'espace d'un instant, le calvaire. Je m'accroche un peu à deux concurrents du 56 qui viennent de me doubler mais l'arrêt devient obligatoire, pas trop longtemps, juste pour retrouver mon souffle avant de repartir.
Deux poses plus tard, j'arrive à l'épaule du Mont Joly après avoir croisé Jérôme qui m'a conseillé de faire un arrêt au refuge des marmottes et de me rafraichir à la fontaine. L'arrêt au refuge est de toute façon obligatoire, je n'avance plus, je suis exténué. Je pose mon sac, un bâillement caractéristique m'indique que je suis proche de l'hypoglycémie, je mange un peu, j'ai froid, j'opte pour un tee-shirt manches longues et je m'allonge pour dormir un peu en demandant à mon ange gardien de me réveiller dans 30 mn.
Encore une tentative et si ça ne marche pas retour sur le 56. Entre temps mon ange gardien a battu le rappel des troupes et je reçois une bonne dose de SMS pour m'encourager, merci à tous, même si sur le moment on ne perçoit pas les effets, c'est certainement efficace.
100 mètres plus haut un autre concurrent est allongé dans l'herbe, l'appel est trop fort, je m'allonge près de lui jusqu'au moment où les chèvres nous délogent. Nous repartons ensemble, compagnons de galère, rattrapés par l'orage qui claque juste au dessus de nous, moins de deux secondes entre l'éclair et le coup de tonnerre. Que faire, redescendre au refuge des marmottes ou faire les quelques mètres qui nous séparent des cabanes des remontés mécaniques. Nous retrouvons miraculeusement des jambes pour monter vers les cabanes, nous essayons, sans y parvenir, de dissuader un coureur qui veut malgré tout continuer sa route , nous nous glissons sous les cabanes bientôt rejoint par d'autres concurrents.
La situation semble vouloir durer, je mange, je me roule dans la couverture de survie et je m'installe le plus confortablement possible pour essayer de dormir un peu.1H30 plus tard, Olivier nous annonce la fin de l'orage. Bizarrement, je ne me pose plus la question et me dirige vers le sommet que j'atteins sans aucune pause. Je pointe enfin après 4H24 d'ascension, je suis bon dernier au classement des grimpeur. Peu importe, la bascule est faite, je suis déjà persuadé d'aller au bout.
La descente jusqu'à l'Etape est devenue glissante avec la pluie, mais cela reste beaucoup plus praticable qu'en 2009. Je fais une pause rapide au ravito et prends la direction du parking de notre Dame de la Gorge, retrouver Langevine pour un petit réconfort avant d'attaquer la nuit. Le col de la Fenêtre est la prochaine étape, un bon test pour évaluer ma capacité à finir. Je trouve le bon rythme, je monte régulièrement et fais juste un arrêt pour mettre ma frontale. L'arrivée au col se fait sans problème, ce qui me conforte dans l'idée que maintenant rien ne m'empêchera d'arriver au bout.
Dans la descente, je trouve un coureur hagard, assis sur un rocher, il semble complètement perdu. Il n'a pas vu le décrochement du sentier et arrivant trop vite a failli tomber dans les lapiaz. Je le réconforte un peu et lui propose de me suivre jusqu'au Signal, je passe en éclaireur et lui parle pour lui redonner confiance. Le chemin reprend quelques mètres plus bas après un passage en escalier pas particulièrement dangereux mais un peu engagé pour un passage nocturne. Nous retrouvons un chemin plus roulant et je redonne un peu de rythme pour ne pas perdre trop de temps. Une fois remis dans la course, je le laisse terminer seul jusqu'au Signal.
Au Signal, je laisse l'info afin que des consignes de prudence soit données aux coureurs par les bénévoles du Col de la Fenêtre. J'essaie de faire un arrêt rapide pour pas être tenté par les lits qui sont proposés. D'autres coureurs préfèrent faire une pause, parlent de basculer sur le 90, il ne faut pas rester là. Je repars seul en direction de l'Aiguille Croche. C'est long et très humide, je peste contre Olivier. L'approche en hors piste ou sur un chemin large chemin est éprouvante, plus pour le moral que physiquement. J'avale la dernière partie plus raide sans difficulté et m'engage sur la crête. La lumière de la frontale entrevue plus loin est une motivation pour ne pas ralentir la cadence. La vue doit être superbe de jour, vertigineuse aussi, de nuit on aperçoit seulement les lumière de la ville à droite (Megève ?).
Au bout de la crête on bascule sur un sentier qui ressemble plus à un fond de torrent,. Je récupère Eric et à deux nous nous motivons pour avancer. Un arrêt rapide à un petit ravito et nous partons sur une partie plate du parcours (si si, ça existe) en mode course, marche rapide. La boucle jusqu'au ravito de Basse Combe est pour moi sans aucun intérêt, le seul point positif est que je progresse au classement ; même si l'objectif n'est pas là c'est toujours bon pour le moral de voir que l'effort est récompensé. Le jour s'est levé et nous sommes sur le chemin du retour, pressés d'en finir. Nous ne sommes pas toujours ensemble mais restons suffisamment en contact pour que l'émulation fonctionne.
L'ascension de Rochebrune passe sans problème, le Bagnard pointe au sommet en compagnie d'un autre bénévole, ils n'ont vu que 6 coureurs pendant la nuit et trouve le temps un peu long. C'est l'occasion de faire une petite pause en plaisantant. La descente sur Megève s'annonce douloureuse, les quadris sont en morceaux, je retrouve les mêmes symptômes qu'au GRP l'année dernière, pas de problème dans les montées mais des descentes dans la douleur.
A Megève j'ai le plaisir de retrouvé mon Cœur accompagnée de La souris et Ouster. La fatigue permet de s'imprégner de ces moments, même si l'émotion monte plus vite, ce sont des souvenirs qui restent. J'essaie de ne pas m'attarder même si j'ai envie de prolonger l'instant, il sera toujours temps de partager après l'arrivée. La dernière bosse, un instant privilégié, la certitude de passer la ligne, pas de grosses douleurs, la satisfaction d'avoir bien géré la course, d'avoir trouvé les ressources dans les moments difficiles, soutenu par mes amis et mon amour. Je retrouve, un peu plus loin, mes trois accompagnateurs pour faire un petit bout de chemin ensemble.
Je suis seul, je retrouve le plaisir d'admirer les paysages, des grandes prairies à flan de montagne au petit sous-bois, enfin l'épaule du mont Joly apparaît, dernier pointage avant de m'engager sur le sentier en balcon qui permet de rejoindre le début de la descente, coup de téléphone de Manu pour prendre de mes nouvelles et il faut à nouveau solliciter les quadris pour rejoindre Saint Nicolas. J'ai un coureur en point de mire et je l'utilise pour essayer de courir le plus possible, quelques promeneurs encouragent, la pente devient plus praticable, le son du micro et, au détour du sentier, mon Cœur et Andrew qui sont venus à ma rencontre. On tourne à gauche sur la route goudronnée pour apercevoir l'arche d'arrivée, de nombreux kikous sont là pour applaudir.
La deuxième tentative a été la bonne, une meilleure préparation, plus d'humilité et beaucoup de soutiens de ma douce qui accepte les longues heures d'entrainement et reste un soutien inconditionnel, les appels de nombreux kikous, Rapacette, Rapace, L'Dingo, Blob, Sanggi, Supersteph …sur le bord des chemins, Le Bagnard, La Souris, Ouster, LoicM, Astro et sa douce, Stephanos, Parapgab et tous les autres.
Merci à Olivier, Yannick et tous les bénévoles qui nous font voir l'invisible.